Éducation aux médias et à l'information
Le web et les réseaux sociaux ont modifié l'organisation spatio-temporelle de la citoyenneté. Les modes de partage et de collecte instantanée de l’information changent nos façons de communiquer et d’échanger mais aussi de nous engager et de nous positionner en tant qu’individus. L’identité et le sentiment d’appartenance à une société ne se construisent ainsi plus seulement à l’échelle d’un territoire, mais tendent à se penser et se remodèler dans nos rapports et nos interactions avec d’autres internautes sur les plateformes du web.
Les personnes et contenus avec lesquels nous interagissons sur ces réseaux, ont d’ailleurs généralement les mêmes sensibilités et les mêmes intérêts que nous. Ce phénomène correspond à ce que le militant américain Eli Pariser appelle les “bulles de filtres” : Les réseaux sociaux ne sont ni une source ni des producteurs d’information, ils diffusent simplement le contenu d’acteurs de l’information (institutions, organismes d’état, organismes de presses, etc) ou non (utilisateurs, sociétés commerciales, personnalités, individus etc). On tombe ainsi sur l’information “par accident” sans l’avoir réellement recherchée. En revanche, les réseaux sociaux poussent les internautes à interagir directement avec les informations, à prendre position en les “likant”, les partageant ou en les commentant. Ces interactions permettent aux algorithmes d'identifier les contenus qui font réagir l’internaute et c’est pour cette raison qu’au fur et à mesure de sa navigation, l'algorithme va lui proposer des contenus semblables. Ce sont donc nos interactions, nos données et les informations que l’on donne aux réseaux sociaux et aux moteurs de recherche web qui constituent notre “bulle de filtres”, sans possibilité en tant qu’utilisateur de modifier les critères de sélection des informations qu’on nous propose sur le web. Éduquer le citoyen aux enjeux de cette diffusion algorithmique constitue bien une condition majeure pour qu'internet puisse être à la hauteur de sa promesse initiale d'émancipation et de liberté.
Les espaces d’expressions en ligne ont aussi modifié la façon de produire une information. Des médias comme Buzzfead, Brut ou Konbini ont ainsi transformé les codes éditoriaux de l’information, en usant surtout du format vidéo, court et rythmé, souvent traité sur le ton de l’humour. Ils ont aussi changé la manière de diffuser de l’information, en considérant les réseaux sociaux comme des canaux de diffusion aussi si ce n’est plus important que leur site web. La liberté de ton dans ces nouveaux médias est plus engagée et moins institutionnalisée que dans les médias plus classiques. Certains contenus prennent parfois un caractère aussi militant qu’informatif. C’est par exemple le cas de Konbini, et des sujets traités par le journaliste Hugo Clément, militant pour la cause animale et environnementale, et qui fait souvent apparaître cette sensibilité dans ses sujets. La place laissée aux commentaires et aux interactions avec les internautes est souvent aussi plus importante que dans le traitement et la diffusion classique d’un sujet. Ces médias et journalistes tentent davantage de créer un lien avec les internautes, voir de créer autour d’eux une communauté. À la façon des YouTubers (eux-mêmes créateurs de contenus), les journalistes jouent donc parfois de leur personnalité pour alimenter leurs sujets. Renouveller nos pratiques d'éducation aux médias et à l'information est indispensable pour aider à prendre la mesure de ces évolutions. De la même manière, accompagner les plus jeunes dans la compréhension de ces nouveaux codes audiovisuels, c'est aussi leur permettre de devenir eux-mêmes créateurs de contenus.
Dans ce contexte à la fois de nouveaux mode de consommation et de création d’informations, il est essentiel d’éduquer pour ne pas subir mais bien se saisir des supports numériques et de leurs possibilités. Il y a également un dimension citoyenne liée aux décryptage de l’information et aux phénomènes des fake news et théories du complot qui ont été au coeur de l’actualité de ces dernières années. Les mouvements d'éducation populaire, en tant qu’acteurs éducatifs en contact réguliers avec les citoyens, ont ainsi un rôle clé à jouer aux côtés des médias pour éduquer aux médias et à l’information.